Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture constitue un défi historique. Boris Grésillon témoigne ici de cette formidable aventure pour nous permettre de comprendre et d'analyser ce projet culturel, ses acteurs et ses lieux, ses enjeux et les défis qu'il représente.
Bonne année à tous !
2013, justement, qui voit Marseille devenir Capitale Européenne de la Culture. Quoi, Marseille, cette cité phocéenne de 2600 ans, qui fut une ville-sans-nom pendant la Révolution, avec son environnement populaire (sous-entendu : "la populace"), sa saleté, ses syndicalistes, son Ohème, sa violence, ses immigrés, sa pègre, sa corruption, son Pastis, sa peste de 1720, ses canons tournés vers elle-même par le Roi Soleil... Marseille, donc, désormais Capitale Européenne de la Culture ??? Mais où va t-on, ma bonne dame ? Et pourquoi pas accueillir la Coupe du Monde de football à Châteauvieux-les-Fossés (plus petite commune de France avec ses 7 habitants) ??? La Culture (entendez : la "culture classique", celle des belles oeuvres de l'Europe du Nord, de l'Occident) n'est-elle pas l'apanage des riches ???
Plus sérieusement, Boris Grésillon propose un travail universitaire de grande qualité, rehaussé par les interventions passionnantes de Jean Viard (sociologue), Jacques Pfister (président de la Chambre de commerce et d’industrie) ou encore Bernard Latarjet (instigateur et programmateur du projet). L'auteur est objectif, pointe les points faibles (Marseille, ville pauvre et sous équipée culturellement, ne pouvait se passer de cités plus riches et rodées telles Aix-en-Provence ou Arles) comme les points forts (le potentiel culturel de la ville est immense - quelle histoire ! -, ne reste qu'à savoir l'exploiter) et retrace l'historique des Capitales de la Cultures - dont le modèle le plus souvent cité demeure Lille (alors qu'on a bien vite oublié Avignon et Paris) - et le champ des possibles qui s'ouvre enfin avec Marseille Provence 2013.
Car gagner ne suffit pas. Quand Marseille se lance dans la bataille, c'est aussi parce que la ville a perdu - injustement - l'organisation de la coupe de l'America. De cette défaite (Marseille a grand besoin d'évènements populaires et fédérateurs et le foot ne suffit bien évidemment pas) né le désir de la victoire même si certains avancent le fait que, justement, on ne gagne pas le titre de Capitale Européenne de la Culture : on le devient. D'où la réflexion de Latarjet après la victoire : "On a gagné. C'est le début des emmerdes".
Mais croire que Marseille partait les bras croisé serait une erreur. Car la ville a gagné - à l'unanimité - son titre face à Lyon, Toulouse et Bordeaux. Des poids lourds, certes, mais aux candidatures peut-être plus classiques, plus mécaniques... Le comité voulait quelque chose de nouveau, un pari culturel, une ville à laquelle le titre bénéficierait comme jamais... Marseille surprend. L'un des arguments qui ressort des divers entretiens contenus dans l'ouvrage consiste à expliquer que la candidature de MP 2013 a transformé des défauts en qualités. Marseille est pauvre ? Le titre lui donnera la chance de gagner 10 ans de développement (dans tous les domaines). Marseille est sous-équipée ? La candidature marseillaise, si elle gagne, proposera un équipement dont l'ensemble sera unique en Europe. Marseille est isolée ? Alors, la Provence viendra la soutenir (un grand pas vers la métropole). Et une telle candidature requiert des soutiens concrets, de véritables engagements et pas des "promesses de campagne". Résultat : si la machine a mis du temps à se mettre en marche (le temps de réunir l'argent et mettre à peu près tout le monde d'accord), si des retards ont été pris (même si des locomotives culturelles comme le MuCEM, le FRAC, le Château Borély ou le Palais Longchamp ne seront accessibles qu'en juin, on oublie que la piétonisation du Vieux-Port - un projet qui ne faisait certes pas partie de la candidature mais arrange fortement les affaires des organisateurs qui veulent une ouverture en janvier 2013 populaire et festive - a pris 8 mois au lieu des 12 prévus...), si la communication s'est sérieusement engagée dans les dernières semaines (non pas par négligence mais de manière ce que le soufflé ne retombe pas d'ici le 12 janvier), Marseille Provence 2013 est désormais en ordre de marche. Et si les organisateurs et les acteurs culturels ont fait leur boulot, alors les marseillais seront présents. Et le succès, au rendez-vous.