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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 13:00

1942. Joseph a onze ans. Et ce matin de juin, il doit aller à l'école, une étoile Jaune cousue sur sa poitrine... Il reçoit les encouragements d'un voisin brocanteur. Les railleries d'une boulangère. Entre bienveillance et mépris, Jo, ses copains juifs comme lui, leurs familles, apprennent la vie dans un Paris occupé, sur la Butte Montmartre, où ils ont trouvé refuge. Du moins le croient-ils, jusqu'à ce matin de 16 juillet 1942, ou leur fragile bonheur bascule... Du Vélodrome d'Hiver, où 13 000 raflés sont entassés, au camp de Beaune-La-Rolande, de Vichy à la terrasse du Berghof, La Rafle suit les destins réels des victimes et des bourreaux.

 

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/70/61/48/19269204.jpg"On pleure pendant La Rafle parce que… on ne peut que pleurer. Sauf si on est un « enfant gâté » de l’époque, sauf si on se délecte du cynisme au cinéma, sauf si on considère que les émotions humaines sont une abomination ou une faiblesse. C’est du reste ce que pensait Hitler : que les émotions sont de la sensiblerie. Il est intéressant de voir que ces pisse-froid rejoignent Hitler en esprit, non ? En tout cas, s’il y a une guerre, je n’aimerais pas être dans la même tranchée que ceux qui trouvent qu’il y a « trop » d’émotion dans La Rafle"."

 

Ces propos, imbéciles et maladroits, sont ceux de la réalisatrice Roselyne Bosch. Sur Facebook, Mathieu Kassovitz ajoutait que ce genre de déclaration ne faisait que nourrir l'antisémitisme le plus primaire... En vérité, Bosch poursuit le travail qu'elle a commencé avec son film : raconter la déportation de la manière la moins "critiquable" possible - du moins, dans les faits exposés - pour ensuite pouvoir se "protéger" des critiques derrière le paravent de l'Histoire. Si je faisais dans le cynisme et voulait lui répondre, je dirai que Le Pen ne procède pas différemment : il balance un une phrase suffisamment ambiguë pour provoquer un tollé mais pas assez dégueulasse pour se retrouver face à la Justice. La fin justifie les moyens, voici la morale de l'histoire. La petite histoire.

Que vaut la Rafle, alors ? Jolie reconstitution (notamment l'intérieur du Vel' d'Hiv'), faits respectés, peu de faute de goût, (sauf les apartés avec Hitler qui paraissent vraiment superficiels) casting correct (bien qu'Elmaleh soit un poil rigide)... Le problème est ailleurs.

En fait, Bosch échoue a donner de l'âme à son récit. Elle s'en tient aux faits, ce qui parait logique mais, cinématographiquement, les sentiments ont du mal à passer. Or, ce que la réalisatrice veut, c'est que le spectateur éprouve de l'empathie à l'égard de ses personnages et donc des vrais protagonistes. Bien entendu, à moins d'être fait de pierre, on est forcément touché par le destin de ces êtres qu'un matin, la police française, notre police, est venu chercher pour les livrer à la mort. Le problème, c'est que ce n'est pas le film qui nous touche. Ce ne sont pas les acteurs ou la manière dont tout ça est raconté. Ce sont les faits. Un jour, des êtres (juifs ou pas, d'ailleurs), parce qu'ils n'entraient pas dans leurs plans,  ont été livrés aux Nazis. C'est aussi simple que ça : la Rafle, aussi respectable soit-il (cinématographiquement, il est académique et ressemble à un téléfilm plutôt richement pourvu), à force de vouloir toucher le plus large public (le travail de Roselyne Bosch est expurgé de toute scène pouvant réellement choquer), fini par ne plus vraiment susciter d'émotion. Or, les faits, on les connait. Ne reste alors qu'un film un peu vain.

La fin, d'ailleurs, est ratée (tout est fait pour toucher le spectateur de manière artificielle - les visages des enfants survivants nous sont occultés jusqu'à ce que l'infirmière les reconnaisse et verse quelques larmes - et le coeur du sujet est complètement éludé - pourquoi ne pas montrer la réalité que fut l'Enfer de la déportation ?) et renvoie l'entreprise au rang d'anecdote. Veut-on donner de l'espoir en appuyant sur le retour de quelques enfants et adultes miraculeusements sauvés ? Il n'a pas sa place ici. La Shoah est un fait historiquement établi et, avec le temps, l'espoir que cette horreur permette l'arrêt de la barbarie humaine est aujourd'hui totalement anéanti (cf. les tragédies du Rwanda, entre autre). Le témoignage de Joseph Weismann ne suffit donc plus.

A force de coller à certains faits (le récit d'un survivant), on oublie les autres. Et si Schindler's List était un film sur l'histoire d'un aryen sauvant quelques milliers de juifs plutôt que sur la Shoah, La Rafle est une gentillette illustration grand public de la plus grand Honte que notre pays ait connu. Et ce film n'est, hélas, pas à la hauteur.

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